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Epurés

Dans ses Fêtes de la faim, Arthur Rimbaud écrivait :

        

         « Si j’ai du goût, ce n’est guère

          Que pour la terre et les pierres. »

Les Carnets de promenades d’Armand Scholtès sont emplis de croquis ne conservant que le contour des pierres, leurs arêtes et leurs facettes.   Dans son Eloge du possible qu’accompagnent des aquarelles du peintre,  Paule Stoppa évoque justement les « fêlures fentes fissures failles » des roches. Se portant plus loin à la dimension du paysage, elle nomme des lieux peut-être connus de l’artiste (« les pentes fauves du Malinvern/les rocs hérissés verglacés »), qui a effectué ensuite des variations autour des pierres, inventoriant toutes leurs positions ou juxtapositions possibles. De sorte que si cet inventaire était complet, on pourrait en tirer un caractère général, voire une « essence » du minéral. Mais il resterait à savoir s’il s’agit là d’une abstraction dématérialisée où la pierre ne subsisterait plus que par sa figure. Or une formule de Thierry Dufrêne répond à cette question : «...quand on peut trouver l’abstrait dans la nature, on touche au plus profond de l’art. »[1] Gauguin avait déjà adopté ce point de vue : « Un conseil [disait le peintre à Schuffenecker, en 1888] ne peignez pas trop d’après nature. L’art est une abstraction, tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qui [...] en résultera.[2] »

 

Maurice Elie (Extrait du texte « Résonnances de l’œuvre d’Armand Scholtès »)

 

[1] « Monet et l’impressionnisme abstrait des années 1950-1960 », Monet et l’abstraction, Paris, Hazan, 2010, p. 165. Mais, tandis que Monet « abstractisait » dans ses irisations et

 ses nappes de couleurs, Scholtès rend la figure de la pierre tout en suggérant sa rugosité. 

[2] Cité par Pierre Wat, « La couleur imaginée et vibrante », Gauguin, il rêvait d’un autre monde, Télérama hors série, octobre 2003, p. 73. 

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