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1986-1990 

Peintre, tu m'as dit : "Laisse parler l'oeuvre, laisse-la se déposer en toi."

Et maintenant me voilà dans le temps de tes images.

 

Tu ouvres la porte et voilà que je pénètre dans ton langage, dans ta sensibilité, dans ta vision du monde.

 

Tu modifies l'espace, tu le charges de bonheur. Ainsi, ton lieu de vie :

            Lieu solaire, Vibrant de force heureuse. Chant. Le monde est là Dans sa vitalité première.

Tout est là pour qui sait voir : l'ardeur des couleurs, l'émotion de la ligne, l'aventure des signes.

Les plafonds déroulent des tapis venus d'un autre continent.

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Les murs sont pages géantes sur lesquelles s'inscrit toute une géographie : territoires, rivages, îles, horizons sans assise.

 

Les murs sont plages et sables sur lesquels s'écrit toute une graphie primitive oubliée : celle d'avant le scribe, d'avant la calligraphie, celle d'avant la mise en mots, celle des "signes sans paroles".

Peintre, tu me donnes à vivre le lieu de l'origine.

Ici, se pose la question de la genèse, du premier silence et de la trace.

Ici, les lignes simples improvisent le tout début d'une aventure.

Un langage se cherche et s'invente.

Tu me mènes dans l'avant-pays des mots, dans le secret de leur naissance.

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Nous entrons dans la jouissance du geste traceur, dans le désir du sens.

Nous sommes dans un lieu de mémoire, au plus près de notre identité profonde où s'émeut la pulsion de l'écriture.

Peintre, tu me donnes à voir la présence nue des galets, des écorces et des bois qui sont tout à la fois bribes, éclats, copeaux du monde et monde en son entier.

Voici les rouleaux de toile préservant leur secret et les bâtons de toutes tailles, enveloppés, serrés, noués, dans leurs tissus colorés. Voici les grands bois qui se dressent comme des répertoires. Voici le ventre tatoué de la pierre.

Et voici les livres, livres d'esquisses, livres d'heures, livres de vie, miniatures, orfèvreries.

Peintre, tu as volé le feu aux dieux pour en faire des images.

Tu racontes la grande fable du feu : son embrasement, "sa haute rougeur", son ardeur maîtrisée, son incandescence qui ne deviendra jamais cendre.

Tu déclines les états de la lumière : son émergence, sa jeune transparence, son battement derrière la couleur, et, comme au premier matin, sa certitude.

Et voici le lieu de l'intimité où germent les formes et les couleurs ; lieu fertile qui fait lever des horizons ; lieu de sources et de ressources ; lieu du creuset intérieur. Les forces vives se donnent à l'oeuvre.

Ici, dans la diversité des matériaux, des outils, des techniques, tu poursuis ton questionnement et les signes muets s'engendrent en eux-mêmes.

 

Mar-Josée Lecorre

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